VIE ARTIFICIELLE ET CRÉATION ARTISTIQUE
Michel BRET, professeur à l´Université PARIS 8
Séminaire du Département d´Arts Plastiques de l´Université Paris-8
à l´Institut National d´Histoire de l´Art (mars 2000):
LA TECHNOLOGIE DANS L´ART
Dialogue avec Edmond Couchot.
Introduction
J´ai lu le livre d´Edmond Couchot, La technologie dans l´art,
comme un roman, de la première à la dernière page: Il nous entraîne
dans une gigantesque visite guidée des courants artistiques
du siècle dernier,
dans un grand voyage au cours duquel on comprend mieux, non
seulement les époques traversées, mais
encore, et surtout, la période actuelle, l´art d´aujourd´hui.
Il se dégage de ce texte une forte impression de
continuité,
l´exposé d´une progression (et non pas d´un progrès) est toujours
préféré à la soi-disante explication par des mouvements révolutionnaires,
chaque phase nouvelle n´étant qu´une conséquence
de courants antérieurs: C´est Delacroix et la photographie avant les Impressionnistes,
c´est l´Abstraction née par opposition au réalisme cinématographique,
c´est le Cubisme issu d´un dépassement de la Perspective du
Quatroccento, c´est l´invention de l´éléctricité produisant le
Futurisme, et c´est enfin le développement de l´Informatique, à la suite
de la Cybernétique, qui fait naître l´Art Numérique.
Mais, en même temps, ce déroulement continu est entrecoupé
de ruptures radicales, cette continuité n´est plus géométrique mais
fonctionnelle: C´est telle catastrophe qui explique telle renaissance.
Et cette contradiction entre continuité et rupture n´est pas sans rappeler
les processus même de la nature qui fait évoluer continuement les
espèces par une succession de remises en cause radicales gommant
des pans entiers de la vie pour la faire renaître ensuite de plus belle.
1) Vivant et artificiel
Je commencerai par reprendre l´opposition JE/ON que l´on trouve
en préambule, dès
l´introduction, et qui semble jouer un si grand role dans le livre.
Si je l´ai bien comprise, cette opposition recouvre, entre autre, celle
de la subjectivité, chère au Romantisme, avec un certain matérialisme
inhérent à la technique.
L´automatisation de certaines techniques artistiques (la mise en perspective était
déjà un algorithme, la photographie proposait une systématisation
de la représentation)
oblige le JE à se déplacer, à quitter une
subjectivité égoïste, à
se complexifier en un double sujet, à la fois JE et ON, à quitter
le lieu plat d´une autosatisfaction stérile pour gagner un espace
de développement plus libre.
Cette transformation a lieu précisément au moment où
la Cybernétique, avec Wiener,
transgressant le dualisme corps-esprit hérité de Descartes,
confère
aux automates des propriétés de rétroaction puis,
plus tard avec John Von Neumann, d´autoreproduction,
propriétés proches de celles que l´on
constate chez le vivant. Non seulement le sujet, mais encore ce par quoi
il existe, à savoir la vie, étaient sommés
de se redéfinir.
Dès lors les machines prétendent à l´intelligence
(avec l´Intelligence
Artificielle) et même au status d´être vivant (avec la Vie
Artificielle). Le sujbjectif n´est plus une caractéristique de
l´humain mais devient une propriété émergente de systèmes
complexes naturels ou artificiels.
Avec Changeux [CHANGEUX 89], il ne faut plus parler de frontière
entre matière et esprit, mais plutôt d´un nouveau paysage duquel
émergeraient ces notions.
Depuis Holland dans les années 60 et Koza dans les années 90,
la Théorie Darwinienne de l´Évolution s´applique à des populations
d´êtres artificiels: Non seulement le sujet, mais le genre humain
ne devra-t-il pas se redéfinir ?
Le vivant est-il une machine (comme le pensait Descartes),
la machine peut-elle être vivante (comme le suggère la Cybernétique) ?
Cette double interrogation en forme de contradiction ne peut être
résolue qu´en reformulant certains concepts fondamentaux.
Interessons nous d´abord aux méthodes de la pensée:
2) Méthodes de pensées
La Méthode Analytique est une approche réductionniste
qui part d´un tout que l´on postule exister
à priori, décompose cette totalité en éléments plus simples
et propose enfin une explication globale par assemblage des propriétés
particulières de ces éléments. Cette méthode, qui a donné les
preuves de son efficacite, ne convient pas à l´étude de
phénomènes émergents.
Couramment utilisée aujourd´hui,
y compris par la science et la technologie, elle montre cependant ses
limites dès lors qu´on cherche à l´appliquer à des domaines
sortant du champ de la perception immédiate (comme la physique
des particules) ou d´une complexité dépassant notre entendement
(comme la vie).
Le Holisme (du grec holos "tout"), au contraire, fait des interactions entre les parties
d´organismes complexes la cause de l´émergence de phénomènes nouveaux
qu´une analyse n´aurait pas permi de prévoir.
Le Structuralisme, ensuite, nous a habitué à considerer le
tout comme étant plus que la somme de ses parties.
L´Émergentisme, issu de ces deux courants,
est une alternative aux méthodes d´analyse traditionnelles. Synthétique,
elle assemble au lieu de disséquer. Elle permet de rendre compte de
l´émergence de propriétés que chaque élément ne possède pas et
qui ne résulte pas de leur simple combinaison.
D´où le succès des approches pluridisciplinaires
des phénomènes complexes prenant en compte plusieurs niveaux
d´organisation, chacun étant déterminé par le niveau supérieur.
3) Peut-il y avoir une pensée artificielle ?
La pensée artificielle est un concept dejà ancien. C´est
Norbert Wiener qui, dès 1947 [WIENER 47], définit la Cybernétique
comme le contrôle du comportement d´un système, ce qui contenait
en germe les concepts d´information, d´automate et de réseau.
Allan Turing, avec son ouvrage "Intelligent Machinery" [TURING 48]
définit les concepts de machine universelle et
de réseaux d´automates. L´ordinateur est conçu
comme une sorte de métamachine pouvant émuler n´importe quelle
autre machine, y compris celles qui la dépasseront un jour.
À la fin des années 50 John Von Neumann [VON NEUMANN 58] construit
les premiers automates autoreproducteurs et en 1986 Christopher Langton
[LANGTON 84] définit les automates cellulaires autoreproducteurs.
Ces recherches montrent que la principale propriété du vivant,
à savoir l´autoreproduction, est explicable en termes d´interactions
d´éléments simples et que cette propriété
peut être simulée
indépendamment de toute réalisation physique:
La Vie Artificielle etait née [HEUDIN 94].
Mais, avant de parler de vie artificielle, demandons-nous
ce qu´est le vivant:
Selon le Vitalisme d´Aristote le vivant se distingue de la matière
par la présence d´une "force vitale". Pour Descartes et le Mécanisme,
au contraire, l´être vivant est comme une machine. Aujourd´hui on éprouve des
difficultés à définir le vivant. Pour la Biologie traditionnelle
la notion de vie est intimement liée à celle de son support (des molécules
carbonnées) et aux réactions physicochimiques qui s´y déroulent,
ce qui traduit très bien la vie telle que nous la connaissons sur
Terre, mais ne dit rien de ce que pourrait être une autre forme de vie
ailleurs dans l´espace et dans le temps.
Cependant on peut caractériser un être vivant par un certain
nombre de propriétés, parmi lesquelles:
1) L´homéostasie (du grec homeos qui signifie "même" et statis,
"rester") qui est la faculté de conserver un équilibre et une
cohérence face à des perturbations extérieures grâce à des mécanismes
internes de rétroaction.
2) Il contient une description de lui-même lui permettant
de s´autoreproduire.
3) Évolution ontogénétique (de l´individu)
et phylogénétique
(de l´espèce).
Un système vivant apparaît comme une structure complexe,
rebouclée sur elle-même, conservant sa stabilité et capable de
s´autoreproduire.
C´est un système défini par son
organisation, c´est à dire en termes de relations entre ses
composants, indépendamment des propriétés de ceux-ci.
Un système autopoiétique (du grec autos qui
signifie soi, et poiein, produire)
produit sa propre identité en se distinguant de son environnement par
remplacement continuel de ses composants, et est
capable de s´autoreproduire.
Si, avec Varela [VARELA 1989], on redéfinit la vie à
partir de l´autopoiése,
plus rien alors n´empêche une machine (qui manifesterait de tels
comportements) d´être declarée vivante.
4) Le Connexionnisme
L´opposition Vie Artificielle/Vie Naturelle recouvre celle,
plus ancienne, d´Intelligence Artificielle/Intelligence Naturelle.
L´I.A. avait pour but de simuler les comportements humains intelligents
sur ordinateur, elle n´a pas tenu ses promesses car elle était partie
sur des bases qui se sont revélées erronées: Il s´agissait de
manipuler du symbolique, à l´image de l´idée que l´on se faisait
du fonctionnement du cerveau. Mais les récentes avancées en
matière de Neurobiologie, en descendant au niveau du fonctionnement
le plus élémentaire des neuronnes, ont, paradoxalement, ouvert des voies nouvelles
à la compréhension des fonctions les plus évoluées du cerveau: Le
connexionnisme était né. Il repose sur la notion
d´émergence, extension
de l´idée introduite par le Holisme et le Structuralisme selon laquelle le tout
est plus que la somme de ses parties. Plus précisemment un réseau
interconnécté de neuronnes (naturels ou artificiels) a la propriété
de s´autoconfigurer lors de phases d´apprentissage. Une application
importante est la résolution de problèmes très difficiles
dont on ne connaît aucune solution, de problèmes qui n´ont pas de
solution, ou même de problèmes mal posés: On construit un réseau neuronal,
machine (réelle ou virtuelle), que l´on met en présence du problème
sur un mode interactif, sous la forme d´exemples que le réseau apprend, par
essais/erreur, en s´autoconfigurant de façon à répondre de mieux en mieux.
Un tel réseau présente la propriété très étonnante de pouvoir généraliser
son apprentissage à des exemples non appris (tout comme un enfant
apprend la syntaxe de sa langue maternelle en écoutant puis en
produisant des exemples de phrases, et arrive à se forger
ainsi des concepts abstraits, il en va
de même pour un réseau neuronal artificiel).
5) L´Évolutionnisme
Les réseaux neuronaux simulent le système nerveux d´individus artificiels.
Et la question s´est posée de leur construction,
c´est à dire de leur naissance, donc de l´évolution
d´une population de tels individus.
S´inspirant de la théorie Darwinienne de l´Évolution par la
Sélection Naturelle [DARWIN 1859], John Holland [HOLLAND 62, 75] développa en 1962 les Algorithmes
Génétiques à l´Universite du Michigan. Son but était de mettre en évidence
et d´expliquer rigoureusement les processus d´adaptation des
systèmes naturels et de concevoir des systèmes artificiels possédant
certaines propriétés des systèmes naturels. Cette approche a permis
une meilleure compréhension à la fois des systèmes naturels et
des systèmes artificiels [GOLDBERG 94]. Il s´agit de faire évoluer des populations d´êtres
artificiels par croisement et mutation en optimisant une certaine
fonction d´évaluation. Par exemple pour résoudre un problème dont
on a pas la moindre idée de la solution, on construit toute une
population de petites solutions approchées, toutes fausses. Puis
on leur permet de se multiplier en favorisant la survie de celles
qui répondent le moins mal au problème. Au bout de quelques
générations la sélection travaille sur des solutions qui répondent le
mieux au problème et après de nombreuses régénérations
on peut trouver des solutions qui résolvent le mieux possible le problème.
Et ce resultat a été obtenu sans connaître ni la solution ni
même l´alogorithme de résolution.
6) L´Art et la Vie Artificielle
Abraham Moles [MOLES 71] part de la Théorie de l´Information
pour définir une "information esthétique" (de type symbolique) par
opposition à une "information sémantique" (codée et transmissible).
La quantité d´information, corrélée à l´imprévisibilité du
message, permettrait de mesurer aussi bien une oeuvre d´art qu´un
texte scientifique. À cette conception, qui fait de la Théorie de l"information
un système universel unifiant toute pensée, on oppose ajourd´hui une
pensée que l´on pourrait qualifier de "multiple" ou de "plurielle",
illustrée par la Physique Quantique qui, en reconnaissant la double structure
corpusculaire et ondulatoire de la matière, s´accomode d´une contradiction
pour expliquer le réel. Mais cette contradiction n´a
lieu que dans le champ d´une compréhension intuitive des lois qui
régissent notre monde (les lois de NEWTON) reposant sur nos perceptions
sensorielles. Ces dernières resultent de l´évolution par sélection
naturelle: La survie de l´espèce humaine dépendait de ces perceptions
qui servaient à échapper aux prédateurs ou à chasser. Pour les
hommes préhistoriques quel aurait été l´avantage de comprendre le
comportement des particules élémentaires (qui d´ailleurs n´avaient
pas d´existence pour eux) ? Aujourd´hui il en va tout autrement
puisque la mécanique quantique est à la base de nombreux progrès
techniques (comme les télécomminications ou les ordinateurs) dont
dépend notre survie.
Umberto ECO définit une esthétique de l´exploration du champ
des possibles, complêtant l´esthétique combinatoire de MOLES, lui
faisant accéder à un hypothétique éventuel dont le caractère infini
ne peut être exploré qu´avec le recours à un "tirage aléatoire".
Mais il est bien connu que ce n´est pas une bonne stratégie que de
jouer au Loto pour faire fortune même si, exceptionnellement, celà
peut réussir. Le hasard peut être guidé, et la Nature nous en
offre un bel exemple en la personne de la reproduction sexuée.
Selon la Théorie de l´Évolution de Darwin, une population qui mélange
ses gènes au hasard pour se reproduire, évolue positivement si elle
favorise la survie de ses membres les plus aptes, car ceux-ci passeront à leur
descendance des combinaisons qui réussissent. Les mutations aléatoires permettent
de ne pas limiter le choix à une solution optimale locale
(une "élite") mais autorise toute
expérience, même si elle est vouée à un échec certain.
L´introduction de la Vie Artificielle dans la création artistique
repose la question de l´interactivité: Classiquement
conçue comme relation d´un humain avec une machine réactive, un
dialogue avec un système qui, même s´il est "intelligent", n´en
reste pas moins fondamentalement autre, car privé de conscience. Je
ne sais pas si l´on peut parler de subjectivité à propos des machines, mais
du moins assiste-on à l´émergence d´un nouveau type de perception:
Celle d´une réalite (réelle ou virtuelle) par un organisme artificiel.
Dès lors qu´elle est munie de capteurs et
de capacités d´abstraire (sous forme d´informations circulant
dans des réseaux de neurones), dès lors qu´elle est munie
d´actuateurs lui permettant de s´exprimer, et si, de plus, elle
est capable de s´autoreproduire, la machine remplit les conditions
de l´autopoiése et accède ainsi au statut de vivant. La relation du
créateur à son oeuvre change alors radicalement
de régistre: Ce n´est
plus celle d´un être supérieur contrôlant de la
matière, mais bien de
deux êtres vivants dialoguant d´égal à égal.
Dans cet ordre d´idées Karl SIMS a construit des êtres artificiels
qui sont capables d´apprendre à marcher, à sauter, à nager dans un
environnement physique simulé et, ce faisant, ils découvrent
des strategies naturelles, d´autres qu´aurait pu inventer la nature,
d´autres encore complêtement inimaginables mais qui, toutes, font
preuve d´une remarquable efficacité.
Michael TOLSON montre une population d´êtres artificiels
alimentés par le spectateur, et luttant pour survivre.
Pour ma part j´ai développé des programmes à base de réseaux
neuronaux et d´algorithmes génétiques pour contrôler des corps
se comportant interactivement avec un environnement artificiel.
Je développe actuellement, en collaboration
avec Marie Hélène Tramus, une implémentation
temps réel de ces idées pour réaliser des intallations
artistiques "intelligentes".
Dans ces différentes productions, il n´y a pas de scénario,
pas de trame narrative, il ne s´agit pas de raconter une histoire qui
serait arrivée, mais de faire vivre des êtres artificiels dont
les comportements dépendent de leur interaction, soit avec un
environnement artificiel (interactivité endogène) soit avec
un environnement réel (interactivite exogène).
7) Quelques réflexions
À la lumière de ces idées je vais reprendre
quelques questions qui ont été
soulevées dans les conférences précédentes:
Alain Renaud avait affirmé avec force la nécessité d´une
certaine "volonté d´art" face à un numérique désincarné ou contrôlé
par les forces de l´industrie et du marché. Ce à quoi Edmond
Couchot avait repondu par une question: "Comment réintroduire du
sensible avec de l´intelligible ?". Je parlerais, pour ma part, de
"désir d´art" et, en matière d´amour et de désir, quelle instance
plus belle que la vie peut-on invoquer ? En l´occurrence les Algorithmes
Génétiques nous entraînent sur les chemins de la
création (au sens fort du terme), tout à la fois sous une forme
sensible (disons intuitive) et automatisable (disons intelligible)
par des systèmes artificiels, programmes ou machines,
réels ou virtuels.
L´interface artiste-machine ne passe plus alors par une nécessaire
formalisation abstraite (en termes d´algorithmes) mais permet un
dialogue direct de l´être-artiste avec l´être-machine sur le mode
du vivant.
Je voudrais aussi évoquer une inquiétude qui se manifeste
souvent (aussi bien au niveau du profane que du spécialiste, je
pense en particulier à Paul Virilio) à propos d´une technologie
envahissante et qui se traduit par une certaine diabolisation
du progrès technique au nom d´une "naturalité" de l´humain.
Il est certain que, si la technique évolue très rapidement, le
cerveau humain, lui, n´a absolument pas changé à l´echelle de
nos civilisations et qu´il se trouve confronté à un monde
artificiel de plus en plus complexe et
qu´il semble comprendre de moins en moins bien. Mais ne faudrait-il pas revoir
l´opposition naturel/artificiel:
Ne voit-on pas là plutôt l´effet d´une évolution, dont le corolaire
serait une adaptation. J´enseigne les nouvelles technologies dans l´art
depuis plus de quinze ans, ce qui est une période ridiculement petite
à l´echelle de l´humanité, mais non négligeable à l´echelle de
l´évolution des techniques, et j´ai pu constater une modification
de l´approche qu´en ont les étudiants: Chaque année je peux observer les
comportements de cerveaux neufs confrontés à différents stades
d´une technologie en constante évolution, et je constate une certaine forme d´adaptation.
Celle-ci se traduit, non pas par la compréhension rationnelle des
concepts à la base de ces nouvelles technologies, mais par un réarrangement de comportements
anciens qui, déconnectés de leurs significations premières, font
preuve d´une remarquable adaptabilité.
Une telle adaptation permet une interaction "opérationnelle" (c´est
à dire en action) et l´émergence de concepts
nouveaux.
Et ce qui est positif, ce n´est pas ces comportements, somme
toute assez archaïques, mais leur potentialité illimitée d´adaptation.
La technologie est un résultat de l´évolution, à la fois cause et
conséquenece d´une nécessaire adaptation. Par exemple le comportement
de l´internaute moyen est très étonnant en ceci qu´il utilise des
stratégies classiques de parcours linéaires
pour explorer le monde fondamentalement parallèle des réseaux et
qu´il s´en sort très bien... Des étudiants, qui n´ont aucune notion
de programmation, arrivent à construire des outils sophistiqués
par de simples "couper-coller" et naviguent, très à l´aise, dans
des systèmes dont la complexité dépasse de très loin leurs connaissances
techniques.
7) Exemples d´oeuvres inspirées de la Vie Artificielle
Je vais maintenant présenter 2 films illustrant l´application
artistique que j´ai faite de ces idées:
Dans le premier, CAHINCAHA, qui date de 1997, j´utilise des
méthodes comportementales
pour construire et faire se comporter un organisme complexe, en
l´occurrence un corps féminin. Celui-ci est défini par une hiérarchie
de niveaux emboités: Le squelette, les muscles, les graisses et les
organes, enfin une peau, inspirés de l´anatomie du corps humain
[RICHER 96] et des résultats de la biomécanique. Des comportements
programmés font de ce corps un "acteur" capable d´interagir avec
un environnement physique simulé: En l´occurrence une mer agitée sur
laquelle il fait du monocycle. Des modèles dynamiques
contrôlent aussi bien l´environnement que l´acteur qui interagissent.
Le deuxième film, SUZANNE, réalisé en 1999, illustre l´application du
connexionnisme à la synthèse. Au corps précédent, qui agissait
comme un robot préprogrammé, j´ai adjoint un "cerveau" artificiel
sous la forme d´un réseau neuronal [ABDI 94]. Ici point de comportements
prédéfinis, mais un organisme capable de s´autoconfigurer lorsqu´il
est mis en présence d´un environnement:
Le corps et le le décor sont
agités par des champs de forces générés par la
musique, et
interagissent dynamiquement.
BIBLIOGRAPHIE
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