Espace d'une rencontre: Michel Bret

Après le clair-obscur aux reflets violets de Tacauto, dernier film de Michel Bret, l'ange poétique réap­paraît en pleine lumière dans un "film solaire". L'être aux longues ailes ondoie à nouveau dans un film en cours de finition, et qui s'intitule Elorap ("parole" à l'envers, si l'on veut...). "Une "fille" sur un vélo, qui avance et qui recule, puis qui s'envo­le...", mais tout cela n'est que pré­texte à l'évocation d'un univers poétique. Comme pour les précé­dents films, il n'y a pas d'histoire, mais une évocation onirique, guidée par la sensibilité de Michel Bret et sa recherche de plasticien. Les couleurs frappent par leur luxuriance, ailes et vêtements sont filets de perles aux formes multiples... un même rêve, toujours, mais sous une lumière renouvelée. La recherche technique a porté sur une autre manière de réaliser un volume : plutôt qu'un bloc plein, c'est un agglomérat de petites parti­cules, sur une certaine épaisseur. Ainsi, lorsque la "caméra" s'appro­che, elle ne voit pas une surface uni­forme, mais une matière, une texture propre à l'objet. Pour les personna­ges, le volume des différentes formes (bras, jambes...) se modifie en fonc­tion de leurs angles respectifs, les dotant ainsi de muscles virtuels, puis sont recouverts d'un autre volume "souple" englobant l'ensemble comme un véritable épiderme. La peau douce et soyeuse des anges... sur laquelle le vêtement a lui aussi fait l'objet de nouvelles recherches de mouvement et de drapé. Et l'ange a appris à marcher. Il a acquis dans un premier temps des modèles comportementaux (mar­cher, pédaler...) et il ne lui reste plus qu'à lui indiquer la direction à suivre,il y ira tout seul. Peut-être même, un jour, Michel Bret lui apprendra-t-il à hésiter, trébucher, se tromper, puis se reprendre. Mais au delà de ces recherches en informatique pure qui ont pour simple fonction de perfectionner glo­balement un outil que Michel Bret trouve encore bien primitif, il y a la continuité dans une démarche esthé­tique. Et tout particulièrement sur la composition des images. « Regardez Boticelli ou Seurat, ils dessinaient d'abord leur sujet, en fonction duquel ils composaient ensuite le fond. C'est également ce que je veut faire en réalisant une image où le fond est fonction — jusqu'au sens mathématique du terme — du sujet, et évolue avec lui. » Une démarche présente dès les pre­miers films de Michel Bret et qui leur donne une très grande cohérence esthétique.
Florent Aziosmanoff