Animation de personnages
Michel Bret, ancien professeur en ATI (Université Paris 8)
octobre 2012
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Résumé
On s´attachera ici à dépasser les termes de
personnage et d´
animation
en montrant en quoi les concepts de la vie artificielle, ceux du connexionnisme et ceux de l´évolitionnisme
conduisent à définir des populations dêtres artificiels, intelligents, sensibles et autonomes,
interagissant entre eux, avec l´environnement et avec de possibles autres interacteurs (naturels et/ou artificiels). Seront
ainsi posées des questions aussi fondamentales que:
une vie artificielle est-elle possible à côté de la vie naturelle ?
des êtres artificiels peuvent-ils créer, rêver et aimer ?
quelle est la place de la narration dans ce nouveau contexte ?
Introduction
Le problème de l´animation de personnages a d´abord été posé par les
animateurs traditionnels et résolu par des méthodes manuelles basées sur l´observation
de mouvements réels traduits en termes d´animation 2D. Il ne s´agissait pas tant
de copier le naturel mais plutôt de constuire un langage avec sa syntaxe et ses figures de rhétoriques.
En diminuant les coûts de production, l´automatisation informatique du procédé a permis,
tout en le généralisant, de le simplifier, et ainsi de le rendre accessible à un large public.
Les animateurs traditionnels
se sont ensuite emparés de ces nouvelles techniques et ont pu recréer un autre langage.
Un changement radical se produit avec l´apparition du 3D, quittant le domaine de l´image
symbolique 2D, pour s´engager dans une course effrénée au réalisme, l´animation
se technicise et s´uniformise en suivant les modes et les contraintes imposées par la production
industrielle.
L´évolution du matériel en puissance et en rapidité, l´amélioration constante
des interfaces dans le sens d´une plus grande convivialité, ainsi que la généralisation
de l´apprentissage de la programmation (voir l´exemple d´ATI) complètent cette démocratisation
de ce que qu´il est convenu d´appeler l´art numérique.
Avec le "temps réel" apparaissent de nouvelles formes de créations artistiques,
comme les installations interactives ou les jeux vidéos. Par ailleurs l´Internet favorise une autre
forme d´art plus sociale et même politique, avec ses possibles dérives idéologiques,
religieuses ou sectaires, promptes à abuser de la naïveté du public.
Faut-il pour autant parler d´une révolution comparable à celle de l´art moderne ?
si on se limite à ce qui existe actuellement, on peut se poser en effet des questions:
D´abord, à de rares exceptions près, cette évolution n´est pas le fait des
artistes eux mêmes mais est le résultat de politiques commerciales à visées
purement lucratives cherchant à optimiser un gain sur le court terme. Le désir de créer qui anime tout
artiste se trouve ainsi confronté à des luttes d´intérêts.
Ensuite cette évolution n´est pas aussi révolutionnaire qu´elle aurait pu
l´être si l´on se réfère à l´histoire de l´informatique: les
pères de cette science que sont
Turing et
Neumann
avaient très clairement placé l´ordinateur
dans le champ du vivant (intelligence pour l´un et auto reproduction pour l´autre). Ce sont les
contraintes d´abord imposées par la guerre et ensuite par l´économie de marchée
qui en ont fait ces monstres de rapidité, d´éfficacité et de bêtise que nous
connaissons aujourd´hui.
Cependant l´idée de neurone artificiel date de 1943 avec les travaux de
McCulloch et Pitts puis ceux de
Rumelhard en 1975
qui devaient populariser les
réseaux neuronaux comme un des outils
les plus puissants de l´intelligence artificielle.
La
cybernétique,
en étudiant les processus de communication et de contrôle chez l´animal et dans les machines
s´emploie à dépasser la notion de contrôle au profit d´une
autonomie,
nouvelle forme de l´automatisme devenu vivant.
Les neurosciences, avec les travaux de
Varela et ceux de
Damasio,
achèvent d´unifier tous ces courants de pensées et concourent à montrer
qu´une véritable révolution, non seulement scientifique mais aussi artistique, est en cours
[Couchot 2012].
C´est dans cette optique que je m´emploierai à analyser le concept de
corps (qui implique
le
mouvement et la
pensée) et celui d´
interactivité, tous deux fondamentaux
pour
faire vivre des êtres virtuels (terminologie que nous préférerons à celle
d´
animation de personnages).
Le corps
Corps et esprit
Le dualisme cartésien du
corps et de l´esprit est aujourd´hui dépassé
Edelman, dans
Comment la matière devient conscience, montre comment ce que
l´on a coutume d´appeler
esprit est une émergence du fonctionnement connexionniste du cerveau humain.
Avec son hypothèse du
noyau dynamique il montre l´importance
de la
réentrance dans l´explication du comportement unifié du cerveau (notion qui trouve une
application avec les réseaux complètement connectés).
Comme l´est aussi celui de la
raison et de l´
émotion:
Damasio, dans
L’erreur de Descartes, a montré, avec son hypothèse des
marqueurs somatiques, que les mécanismes du raisonnement sont affectés de façon consciente,
ou non consciente, par des signaux provenant des réseaux neuronaux régissant l´émotion. En
d´autres termes, loin de nuire au raisonnement, l´émotion l´aide et lui est même
indispensable. L´émotion, comme régulateur homéostatique, est une incarnation de la logique de survie.
S´il en est bien ainsi, on peut se demander pourquoi l´informatique, censée incarner la logique et le raisonnement,
a fait l´impasse sur l´émotionnel. Nous pensons que les ordinateurs ne seront vraiment rationnels que lorsqu´ils
auront intégrés cette dernière qualité.
Un personnage est très différent d´un avatar: le premier peut faire preuve de caractère, montrer
une conduite intelligente ou sensible, alors que le second renvoie, dans la mythologie indienne, à la descente (ou
réincarnation) d´un dieu, il est, dans nos sociétés, la représentation d´un utilisateur
sur Internet ou dans les jeux vidéos. Le premier est autonome alors que le second est contrôlé.
Ce sera le dernier dualisme à résoudre: vouloir tout contrôler c´est refuser tout ce qui ne vient pas de nous,
c´est donc fermer la porte à la nouveauté, à l´imprévu et rendre impossible toute émergence. Il n´est pas utopique
aujourd´hui que de vouloir
construire des systèmes artificiels susceptibles d´éprouver des
émotions et même de posséder une
conscience.
Voir l´application
emotion qui en simule interactivement l´acquisition;.
Nous définirons 4 niveaux (squelette, muscles, peau, cerveau):
Les 3 premiers niveaux: squelette, système musculaire et peau.
1) Le squelette
C´est une structure articulée, supposée rigide, d´os dont les positions relatives sont
mesurées par des
quaternions en respectant certaines
contraintes biomécaniques.
2) Le système musculaire
C´est une structure de muscles dynamiques (modélisés par des
ressorts ancrés aux os et en assurant la mobilité. Ils
changent de longueur (et donc font pivoter les os auxquels ils sont accrochés) sous l´impulsion d´un
signal nerveux émanant de la couche de sortie d´un réseau neuronal.
Notre projet n´est pas de créer physiquement un être artificiel (ce qui serait une approche
robotique), mais plus simplement de produire des êtres virtuels, sortes d´autres nous-mêmes,
avec lesquels nous pourrions interagir. C´est pourquoi, dans un
souci de simplification nous incluerons dans ce système musculaire les organes (tels que le cur, les
poumons, l´estomac, etc..) modélisés, non pas pour leur fonctionnement organique, mais pour
leur seule contribution à crédibiliser l´aspect extérieur du corps.
3) La peau
C´est une surface souple enveloppant les éléments précédents. Seule visible, son
aspect dépend entièrement de la disposition des os, des muscles, des organes et de leures formes.
Les sculpteurs, comme Rodin, ont bien compris l´importance de l´anatomie et des lois de la biomécanique
dans le rendu de l´aspect extérieur du corps. La technique du
laser virtuel permet de construire une telle enveloppe en
scannant les éléments précédemment décrits (os, muscles et organes).
Bien entendu,en animation,
ce procédé doit être invoqué à chaque image puisque ces éléments changent de forme et de position. Nous
pointons là une exigence qui contredit la fameuse trilogie
modélisation-animation-rendu:
en fait tout se tient et le corps artificiel n´a pas d´existence en dehors de sa mobilité et c´est pourquoi
sa "modélisation" devra contenir une dynamique (sous forme de
méthodes dans un langage objet).
4) Le cerveau
Système nerveux
Réseaux neuronaux
Apprentissage supervisé
Apprentissage non supervisé
Implémentation
Système nerveux
Les organismes vivants ont développé, au cours de leur évolution, une
membrane
délimitant une frontière entre un
intérieur (sorte de
moi) et un
extérieur
(l´environnement). Certaines cellules de cette membrane sont devenues sensibles et ont formé des
organes sensoriels (capteurs), d´autres sont devenues actives et ont formé des muscles (actuateurs),
entre les deux une communication s´est établie et complexifiée en circulant dans des cellules
nerveuses formant des réseaux: c´est le
système nerveux. Nous le modéliseront au
moyen de
réseaux neuronaux.
Réseaux neuronaux
Les difficultés considérables rencontrées dans la modélisation et l´animation du corps humain par les
méthodes traditionnelles nous ont conduit a adopter une stratégie radicalement différente:
Abandonnant une démarche purement algorithme nous avons confié la résolution de ces problèmes
à des réseaux capables de s´auto-organiser et faisant preuve d´une conduite "intelligente" émergeant
de leurs nombreuses connexions. Au lieu de chercher une solution algorithmique à un problème, on construit
un réseau neuronal que l´on met en présence de ce problème sur le mode "question-reponse" ou encore
"essai-erreur" en le faisant s´autoconfigurer de façon à répondre de mieux en mieux à des exemples.
La propriété dite de
généralisation d´un réseau neuronal garantit que
celui-ci peut réagir convenablement à des exemples non appris.
Nous modéliserons donc le "cerveau" par des réseaux neuronaux qui assureront un comportement
autonome intelligent et sensible du personnage.
Les entrées de ces réseaux sont connectées à des capteurs "regardant"
l´environnement, et les sorties sont connectées au système musculaire auquel elles envoient des impulsions.
Les mouvements du personnage sont donc engendrés par une
décision neuronale induite
par l´interaction du corps avec son environnement et dépendant de la "connaissance" qu´il en a.
Cette connaissance ne peut s´acquérir que par un apprentissage (supervisé ou non) au cours duquel
les réseaux s´auto-configurent de façon à maintenir l´équilibre homéostasique
de l´organisme visant à favoriser sa survie.
Apprentissage supervisé
L´
algorithme de la rétropropagation
de l´erreur permet à la matrice des poids synaptiques d´un
perceptron de s´auto-configurer à
partir de couples d´apprentissage présentés comme exemples à vérifier. A l´issue de cet apprentissage
le réseau sera capable de sortir le 2ème élément de chaque couple quand son entrée reçoit le 1er élément.
Il sera capable, aussi, de réagir convenablement pour des couples non appris.
Sasie d´un couple d´apprentissage avec une caméra.
Le réseau en action.
Apprentissage non supervisé
Les ;
réseaux de Kohonen proposent une méthode
d´apprentissage non supervisé consistant à détecter des régularités dans
des configurations présentées en entrées et à les classifier. Il s´agit d´un apprentissage
compétitif dans lequel aucun professeur n´est nécessaire, le réseau devant découvrir tout seul
des régularités dans les entrées.
J´ai proposé la méthode dite de
cohérence de flux qui cherche
à rendre cohérents les flux d´entrée et de sortie (ce qui est une forme de résonnance),
particulièrement efficace lorsque le réseau s´auto-configure, de façon permanente, tout en interactant
(ce qui est le cas des organismes vivants et aussi celui d´un acteur artificiel participant à un
spectacle).
Un exemple d´apprentissage non supervisé par la méthode de
cohérence de flux.
Un exemple d´animation au moyen de
systèmes dynamiques non linéaires.
Implémentation
Les réseaux sont traditionnellement utilisés dans les problèmes de reconnaissance, mais on peut aussi en
faire des outils de sythèse, en voici quelques exemples:
Dans la
Funambule virtuelle, que j´ai développé avec Marie-Hélène Tramus,
l´équillibriste se maintient sur la corde en réagissant à sa propre position. Il suffit pour celà de l´avoir
entraîné avec des couples du type:
(entrée =
position de déséquilibre, sortie =
geste de rééquilibrage)
Dans d´autres installations comme
danse avec moi
des réseaux spécialisés prennent en entrée un signal audio (musique) et donnent en sortie des forces appliquées aux muscles.
Il suffit, pour celà, d´ entraîner ces réseaux avec des couples d´apprentissage du type:
(entrée =
paramètres dynamique du signal, sortie =
pas de danse)
et en les combinant avec des réseaux de rééquilibrage on obtient des danseurs. Il est alors intéressant
de les faire interagir avec d´autres danseurs (du même type ou réels) pour créer des chorégraphies
mêlant réel et virtuel.
Le problème de l´emergence (d´où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous ?)
Mais comment ces personnages ont-ils été physiquement construits (robots ou programmes),
c´est à dire comment sont-ils nés?
La 1ère question est:
qui décide de leur constitution initiale ? La solution
généralement proposée est que le créateur (programmeur et/ou artiste) est maître absolu. Si cette position
a l´avantage de conforter l´égo du dit maître, elle a par contre le défaut rédibitoire de bloquer
toute évolution, toute autonomie, toute surprise, toute invention, aucune propriété "émergente"
ne pourra jamais sortir d´un système qui a défini une fois pour toute ce qui est possible et ce qui
ne l´est pas. Une autre solution, beaucoup plus intéressante, consisterait à considérer les réseaux neuronaux
constituant le cerveau d´un être artificiel comme le résultat d´une
èvolution darwinienne:
pratiquement nous définissons une population de tels réseaux entièrement aléatoires et donc certainement
inefficaces. Puis nous les faisons se croiser (avec des possibilités de mutation) en ne
retenant que ceux qui satisfont le mieux à une certaine fonction de "fitness" (par exemple savoir danser),
ce qui suppose de les faire agir suffisamment longtemps pour qu´il soit possible d´évaluer leur
compétence en ce domaine. La même méthode peut être employée pour définir les autres constutuants
du corps (squelette, muscles, ...).
La 2ème question est:
quid de leur devenir? La solution généralement proposée est
toujours la même: une narration, écrite à l´avance, décide du déroulement de l´histoire.
Mais une histoire, avant de s´écrire, arrive et se vit. C´est justement toute la force des jeux en ligne qui
proposent à une multitude d´utilisateurs de pouvoir s´inscrire dans une histoire qu´ils écrivent
eux-mêmes. Pour notre propos, nous ne parlerons pas d´
animation mais d´
évolution,
en définissant une population de personnages et en étudiant leurs interactions entre eux et avec leur
environnement dans lequel pourra se projeter d´éventuels interacteurs.
C´est d´ailleurs le projet de la
robotique évolutionniste qui pose en terme
de coévolution, et non plus seulement de compétition et de lutte, ce sujet chèr à la science fiction qui
est celui des rapports futurs que pourront entretenir l´homme et les robots.
Le mouvement
Au début était l´action
Selon
Alain Berthoz le
mouvement est à l´origine des comportements les plus
évolués des êtres vivants: ceci est vrai de la perception (regarder c´est aussi se mouvoir dans
l´espace), de l´intelligence (comprendre une transformation géométrique c´est aussi
l´effectuer mentalement). Apprendre la théorie des nombres et celles des ensembles à de jeunes enfants se fair
très simplement par la manupilation d´objets (cubes que l´on regroupe par couleur).
Le mouvement ne saurait se planifier à l´avance puisqu´il est la réponse de l´organisme
aux sollicitations de son environnement et des autres organismes qui sont imprévisibles, sauf si ce mouvement se
contente de jouer une pièce écrite antérieurement. Ce qui remet en cause la notion d´histoire,
de scénario, au profit d´un récit ouvert.
Les techniques de générations de mouvements
Les techniques traditionnelles
De ce point de vue tous les systèmes traditionnels
d´interpolation (comme le fameux
key framing)
sont disqualifiés, comme le sont aussi toutes les méthodes qui ne comporteraient
pas de
feedback correcteur permettant une adaptabilité interactive (cette question était d´ailleurs
à l´origine de la pensée cybernétique lorsque Neumann inventait de nouvelles heuristiques pour guider
un missile vers une cible mobile).
En affectant aux objets des propriétés physiques (comme la masse, la résistance à la déformation, la rugosité, ...),
et en les plaçant dans des champs de forces, il est possible de déterminer, à chaque instant, leur position, leur vitesse, et les
chocs éventuels avec des obstacles, au moyen des équations différentielles de la dynamique. Des méthodes de
linéarisation permettent de traiter ce problème
en temps réel. Des mouvements "crédibles" (naturels) sont ainsi produits, mais seulement pour des objets
inanimés, et qu´en est-il pour les êtres vivants ? C´est la question de l´"intention" qui se pose
(une pierre tombe sans le vouloir, alors qu´un animal court dans un but précis). Nous la résoudrons en donnant au cerveau
artificiel une volonté qu´il découvrira, au cours d´un apprentissage intéractif, en privilégiant certaines situations qui
lui font "plaisir" (en fait celles qui favorisent sa survie). Ces situations seront stockées dans des
mémoires associatives jouant le rôle d´"attracteurs"
lorsque l´être artificiel agira interactivement.
Issue de la robotique, cette méthode génère automatiquement les mouvements particuloers de chaque
composante d´une structre articulée lorsque l´on ne définit le mouvement que de l´un d´entre eux. Par
exemple l´animateur définit le mouvement d´une main allant saisir un objet, et les mouvements du poignet, du bras,
de l´avant bras, de tout le torse, etc.. seront générés en conséquence. De tels procédés sont précieux pour
décharger l´organe de décision (le cerveau) des détails d´une exécution, les réseaux n´auront à s´occuper
que du seul mouvement de la main.
Des entités indépendantes et autonomes, interagissant entre elles et avec un environnement dans lequel
elles sont plongées forment un
système multu-agents (
SMA). Initialement issus de
l´observation du comportement de certains insects organisés en sociétés,
les SMA trouvent des applications en intelligence artificielle pour résoudre les problèmes très
complexes que sont par exemple la prévision du comportement d´un ensemble important d´éléments
autonomes interagissant (vol d´oiseaux, banc de poissons, foules, ...) ou la planification
des stratégies d´éléments organisateurs ou leaders travaillant ensemble dans un but commun
(équipe de programmeurs, économie cognitive, ...).
Un
animat est un agent virtuel (simulé sur ordinateur) ou réel (robot) dont les
comportements autonomes et adaptatifs sont inspirés de ceux des animaux. Il se compose:
1) De capteurs recevant des informations de son environnement.
2) D´actuateurs agissant sur le monde extérieur.
Les capteurs et les actuateurs constituent une interface entre l´animat et le monde, correspondant à la notion de membrane.
3) D´une architecture de contrôle organisant les relations entre ces "entrées-sorties"
qui peut être innée ou acquise par apprentissage (réalisation de certaines tâches, tout en cherchant à survivre).
Au cours de générations successives d´une population d´animats certains caractères sont transmis et d´autres évacués
(sélection artificielle au moyen d´
algorithmes génétiquesalgorithmesou de
programmation génétiques).
Les entités du comportemental, comme les animats, sont des agents autonomes dont l´évolution dépend du flux
d´information transitant dans le système depuis les capteurs jusqu´aux actuateurs.
Les méthodes connexionnistes simulent le système nerveux des êtres vivants en munissant les êtres virtuels
de réseaux de neurones interconnectés par des matrices de poids synptiques qui s´auto-configurent au cours
d´apprentissages supervisés ou non. Voir par exemple
une expérimentation dans les arts
du connexionnisme.
Une population d´êtres autonomes peut évoluer, par croisements et mutations, en optimisant une
fonction de
fitness, selon une sélection artificielle de type darwinien. Cette méthode permet de
résoudre des problèmes trop complexes, ou mal définis, pour être traités par les méthodes analytiques
classiques, ce qui est le cas de la plupart des questions que peut se poser un artiste.
On peut citer par exemple le projet porté par Marie-Hélène et Judith dont il existe un prototype en langage
anyflo.
Intégration d’éléments de la physiologie de la perception et de l’action
Nous inspirant des stratégies du cerveau qui, pour contrôler des mouvements complexes, diminue le nombre
de degrés d´action qu´il a sur les muscles en créant des corrélations automatiques entre certains paramètres,
nous intégrerons quelques principes et lois naturelles du mouvement afin de moduler certains comportements autonomes.
Ces règles ont été intuitivement comprises par les sculpteurs (et les acteurs de théâtre oriental) qui ont su rendre
les mouvements du corps et leurs relations avec les émotions. Ils nous enseignent que le mouvement
s’exprime d’abord par la posture et aussi que la cinématique du mouvement est porteuse de sens:
que la trajectoire d’un doigt, le déplacement de la tête, le balancement du corps doivent répondre à des lois
qui sont au carrefour de la mécanique et de la neurologie. Ils nous enseignent encore qu’un mouvement naturel est
source de plaisir [
Berthoz].
Corrélations automatiques
La loi de la puissance un tiers
L’opposition de phase
Le plan de phase
La loi de la puissance un tiers
Un autre exemple issu de l’observation de la cinématique des mouvements naturels qui révèle les "calculs"
effectués par le cerveau pour contrôler le mouvement, suivent une loi, dite de la puissance un tiers, qui relie la cinématique
du geste et la géométrie. Ainsi si vous dessinez une ellipse sur une feuille de papier d’un mouvement naturel , on peut
montrer une relation entre la courbure et la vitesse tangentielle des mouvements de la main . C’est une loi du mouvement
naturel. Si on ne respecte pas cette loi, le mouvement apparaît artificiel. Ce qui est remarquable, c’est qu’elle
contraint aussi la perception du mouvement, les lois de production du mouvement naturel influencent les lois de la
perception du mouvement… Lorsque deux partenaires doivent accorder leurs deux corps en mouvement, ils doivent tenir
compte de ces lois qui sont liés à des mécanismes internes du cerveau.
Cette relation extraordinairement précise entre la courbure de la forme que vous dessinez et la vitesse tangentielle
le long de sa courbe est la suivante :
V/(R1/3) = constante, avec V = vitesse tangentielle et R = Rayon de courbure
.
Autre forme:
A = constant * R2/3
, avec A = vitesse angulaire.
Sans correction
Avec correction
L’opposition de phase
Des mouvements secondaires peuvent être engendrés par des variations inverses.
Par exemple, l´angle que fait le bras avec le corps d´une part, et l´angle que fait l´avant bras avec le bras d´autre part,
varient en sens inverse. « Si vous dessinez un 8 dans l’espace, les angles entre les différents segments du bras
vous paraîtront sans doute très variables. Il n’en est rien : ils ont des relations très précises entre eux.
Lorsque l’angle du bras par rapport au corps augmente, celui du bras par rapport à l’avant bras diminue d’une
quantité égale. On dit qu’ils sont en
opposition de phase. Cette contrainte cinématique permet de contrôler le
mouvement avec un seul paramètre, en ne faisant varier que le rapport d’amplitude des deux angles, ce qui simplifie
considérablement le contrôle.
Sans correction
Avec correction
Le plan de phase
Lorsque nous bougeons une jambe,
les trois angles que font respectivement la cheville avec la jambe, la jambe avec la cuisse et la cuisse avec le tronc
sont en dépendance linéaire. Dans un espace 3D représentant les variations de ces angles, les points de cet espace,
ayant pour coordonnées la valeur de ces angles, restent au voisinage d’un plan, appelé le
plan de phase.
On peut constater d´une part que, dans ce cas, les points correspondants restent assez proches d´un plan idéal,
alors que, pour d´autres parties du corps, cette corrélation n´est pas nécessairement vérifiée et que, d’autre part,
elle n’est pas vérifiée de façon continue mais sur des segments de mouvements.
Sans correction
Avec correction
Référentiel d´interaction
À côté de la gravité ou des référentiels géométriques comme les verticales, les horizontales, ou encore de l’axe du corps,
d’autres systèmes de référence peuvent être utilisés par le cerveau. Ainsi on peut décrire les mouvements de deux
danseurs dans qautre grands référentiels :
1) par rapport à l’environnement
2) par rapport au corps même du danseur
3) par rapport au partenaire
4) et, enfin, dans un référentiel d’interaction entre les deux danseurs dans lequel les deux précédents
référentiels sont liés par certaines contraintes (par exemple le regard de chaque danseur peut être
fixé sur le regard de l’autre).
L´interactivité
Elle est au cur du vivant, lequel ne peut se concevoir sans interdépendance avec un environnement et
avec d´autres vivants. Nous distinguerons plusieurs types de systèmes:
Les systèmes réactifs
Ils obéissent au principe de l´action-réaction: je fais tel geste et il se produit telle chose.
C´est le cas des dispositifs mécaniques et même de la plupart des systèes informatiques construits
sur la notion de
contrôle que nous opposerons à celle d´
autonomie, et c´est, par
conséquent, le cas de la plupart des installations dites
interactives utilisant ce genre de système.
Celà n´a rien à voir avec l´interactivité qui, comme son nom l´indique, suppose une
inter-relation, c´est à dire une relation dans les deux sens.
Les systèmes rétroactifs
Ils sont construits sur le principe de la boucle rétroactive, ou
feedback, de la première
cybernétique et popularisés par le régulateur de Watt. Les systèmes de contrôle et la robotique
en font un large usage, les artistes et les jeux assez évolués l´utilisent aussi.
Les systèmes homéostatiques
Ils tentent de conserver un état d´équilibre en ajustant leur action en fonction de la
réponse de l´environnement, ce qui suppose qu´ils soient capables de
percevoir.
Les systèmes adaptatifs
Ils adaptent non seulement leur réponse mais encore leur seuil d´équilibre, ce qui suppose
qu´ils soient capables de se modifier eux-mêmes, on retrouve là la notion d´
autopoïèse
telle que l´a définie Varela dans
L´inscription corporelle de l´esprit.
Les systèmes vivants
Un pas supplémentaire est franchi avec les sysèsmes
vivants. Ceux-ci font appel au
connexionnisme et à son implémentation informatique sous la forme de réseaux de
neurones artificiels. Si on s´interese à des populations de tels êtres et à leur évolution
ontogénétique et phylogénétique (dont l´implémentation informatique fait appel
aux
algorithmes génétiques) on parlera alors de
vie artificielle.
L´interactivité intelligente
Avec Edmond Couchot et
Marie-Hélène Tramus nous distinguons plusieurs types d’interactivité:
La « première interactivité », ou interactivité de commande, qui est celle de la simple boucle
rétroactive de la cybernétique et qui est à la base de la plupart des systèmes interactifs.
Puis la « seconde interactivité » (par analogie avec la seconde cybernétique) qui apparaît dès lors que le
système qui la produit est capable de se
modifier lui-même au cours d’un apprentissage par lequel il interagit avec
son environnement afin de s’y adapter. Il s’agit bien là d’un comportement que l’on pourrait qualifier
d’ « intelligent » et qui traduit le concept d’
autopoiése introduit par
Francisco Varela.
Pour mettre en uvre ce concept il faut construire un système interactif intelligent, autonome et
possiblement émotionnel (susceptible d´éprouver des émotions et non pas seulement de les montrer ...), on est
là très loin de la simple animation, triviale, d´un personnage et on entre dans un nouveau domaine aux frontières
de l´art, des neurosciences et de l´informatique.
Conclusion
On aura compris que le seul contrôle est inopérant et appauvrissant alors que de l´autonomie peuvent
émerger des solutions insoupçonnées, nouvelles et de portée esthétique. Ce texte avait pour but de montrer
qu´il existe des techniques informatiques permettant de faire le lien entre une imagination (intuitive,
irrationnelle) et des systèmes (logiques, matériels) capables de les exprimer.
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